Élections européennes : à quand le vote à 16 ans en France ? Notre tribune
Du 6 au 9 juin prochain, des millions de personnes auront l’opportunité de façonner l’avenir de la démocratie en Europe. En Allemagne, à Malte, en Autriche, en Belgique, les jeunes de 16 et 17 ans pourront eux aussi participer à ce rendez-vous électoral majeur en votant aux élections pour choisir leurs représentants au Parlement européen. Et en France, quand cela sera-t-il possible ?
Alors que le lien entre les jeunes Français, les institutions européennes et leurs représentants est profondément distendu, nous déplorons que 1,6 million de jeunes Français soient privés du droit de vote le 9 juin prochain, et nous interpellons les pouvoirs publics sur l’impérative nécessité d’abaisser l’âge de vote aux élections européennes à 16 ans.
Des jeunes politiquement engagés, mais exclus du processus démocratique
Marches pour le climat, manifestations, boycotts, pétitions, bénévolat, mobilisation sur les réseaux sociaux… les jeunes Français expriment clairement leur volonté de participer au débat démocratique et d’influencer les décisions politiques. S’illustrant par une participation associative particulièrement significative parmi l’ensemble des jeunes Européens [1], ils ont aussi une vision plus positive de l’Union Européenne que les autres catégories d’âges, avec 75 % des Français âgés de 15 à 24 ans considérant l’appartenance de la France à l’UE comme bénéfique [2]. Malgré cette implication et cette perspective, ils demeurent exclus du processus démocratique européen.
Il est grand temps de reconnaître que les jeunes de 16 et 17 ans sont capables de prendre des décisions éclairées sur des sujets politiques. Autorisés à travailler et assujettis à l’impôt le cas échéant, libres de demander leur émancipation, de reconnaître un enfant et d’exercer la pleine autorité parentale, bientôt de passer leur permis de conduire, les jeunes de 16 et 17 ans sont considérés comme capables de faire des choix décisifs sur de nombreux sujets. La Convention internationale des droits de l’enfant leur garantit le droit de voir leur opinion prise en compte, y compris dans la décision politique. Il est donc de notre devoir démocratique de leur accorder le droit fondamental d’élire leurs représentants.
Le vote à 16 ans : une mesure de lutte contre l’abstention
Les études montrent que les premiers votes sont cruciaux pour l’engagement politique à long terme. Face à la problématique persistante de l’abstention, l’abaissement de l’âge de vote à 16 ans encouragerait une participation politique durable et régulière tout au long de la vie. En Autriche, par exemple, 90 % des jeunes entre 16 et 18 ans ont exercé ce droit dès l’abaissement de l’âge de vote. Cette mesure contribuerait à réduire le fossé entre les jeunes et la politique et permettrait de mieux prendre en compte les besoins et les préoccupations des jeunes générations, alors même qu’ils sont ceux sur lesquels les décisions politiques auront l’impact le plus durable.
Abaisser l’âge de vote à 16 ans aux élections européennes permettrait aussi de répondre à un bug démocratique unique en Europe : la mal-inscription sur les listes électorales, qui touche 4 jeunes Français sur 10 [3] et constitue un facteur majeur d’abstention. Cela permettrait aux jeunes d’exercer leur droit de vote tout en étant encore, pour la plupart, dans le milieu familial et scolaire, deux facteurs qui encouragent la participation électorale [4]. Une telle mesure minimiserait les impacts de la mobilité résidentielle et donnerait l’occasion de profiter du contexte scolaire pour mieux informer ces primo-votants sur les enjeux des élections ou encore les modalités de vote.
L’abaissement de la majorité électorale, une dynamique européenne et historique
L’abaissement de la majorité électorale à 16 ans est soutenu par le Parlement européen, qui encourage les États membres à harmoniser l’âge minimal des électeurs. Réaffirmé dans sa résolution législative du 3 mai 2022 sur l’élection des députés au Parlement européen au suffrage universel direct, le vote à 16 ans a aussi fait l’objet d’une proposition formulée par les citoyens européens lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, initiative soutenue par le président Emmanuel Macron.
Cette mesure de progrès démocratique va dans le sens de l’histoire, vers une démocratie plus équitable, inclusive et représentative. Pour être efficace, ce nouveau droit civique doit être accompagné de campagnes d’information sur l’Union européenne et l’importance du vote, ainsi que de processus d’inscription sur les listes électorales efficaces, inclusifs et accessibles.
Parce que la voix des jeunes compte, faisons du vote à 16 ans une réalité !
- Signataires :
- Adeline HAZAN, présidente de l’UNICEF France
- Audrey FORTASSIN, co-présidente de Démocratie Ouverte
- Arthur MORAGLIA, co-président de Démocratie Ouverte
- Pauline VERON, co-présidente de Démocratie Ouverte
[1] De 4 points supérieurs à celle observée parmi l’ensemble des jeunes Européens de 15 à 30 ans selon l’Eurobaromètre, « European Youth », EB flash, no 455, septembre 2017
[2] https://injep.fr/wp-content/uploads/2023/01/rapport-2022-18-Baro_jeunes2022_Europe.pdf
[3] https://www.humanite.fr/politique/democratie/europeennes-2024-106-millions-de-francais-mal-ou-pas-inscrits-un-facteur-dabstention-massive
[4] Wagner, Markus, David Johann and Sylvia Kritzinger. Voting at 16: Turnout and the quality of vote choice. Electoral Studies 31/2, Juin 2012